Les invités du mois : Manuel Reuter et Antoine Lecoq, co-CEO de Mockel

Après quatre générations de direction familiale, la société Mockel, qui existe depuis plus de septante-cinq ans et reste aux mains de M. Mockel, voit arriver un duo à sa tête. Manuel Reuter et Antoine Lecoq, aux profils aussi différents que complémentaires, viennent tous deux du sérail. Le premier a débuté sa carrière dans les ateliers il y a un quart de siècle ; le second est arrivé il y a huit ans comme responsable administratif et financier. Leur grande priorité : la gestion et le bien-être de leurs collègues. Une formule qui ne présente que des avantages... 

L’invité du mois devient les invités du mois… Les doubles interviews sont rares dans la newsletter de Skywin… Il y a un peu plus de trois ans, Roger Cocle et Bertrand Herry, d’Any-Shape, avaient ouvert la voie. Mais les deux co-CEO étaient également les deux co-fondateurs de la société. Chez Mockel, qui existe depuis plus de septante-cinq ans et est implantée depuis l’an 2000 dans le zoning industriel « East Belgium Park », dans les environs immédiats d’Eupen, ce sont deux membres du sérail aux profils aussi différents que complémentaires qui ont pris la succession d’Annabelle Mockel.

Comme la plupart des membres du personnel, Manuel Reuter est originaire du coin, et il arrive au département fraisage de Mockel il y a un quart de siècle. Puis il suit une formation en production métallique qui l’amène au département usinage, pendant quatre ans. De fil en aiguille, il parcourt l’ensemble des métiers de la société… « M. Mockel et Annabelle Mockel m’ont permis de faire toutes ces expériences au sein de la société : magasin, service d’achat, planning, supply chain, responsable de production… » énumère le nouveau co-CEO. M. Mockel, dont nos invités parlent toujours avec beaucoup de respect, représente la troisième génération de dirigeants de cette entreprise familiale. Sa fille Annabelle prendra sa succession, de 2016 à 2022, avant de se tourner vers d’autres horizons, et de passer le flambeau à nos deux invités. L’entreprise reste entièrement familiale, avec 100% du capital toujours aux mains de M. Mockel, qui reste très présent dans l’entreprise. « Il est là comme ambassadeur et consultant. Il reste fort attaché à sa société, mais il nous laisse toute liberté de gestion. Nous avons sa confiance » précise Manuel Reuter.

Arrivé dans la société il y a huit ans comme responsable administratif et financier, Antoine Lecoq n’a pas le même profil que son compère… Détenteur d’un bachelier en comptabilité de Helmo Sainte-Marie de Liège, option gestion et management (« le management est vraiment une passion »), il débute sa carrière comme comptable, puis entre chez Serel Industrie – générateurs pour l’industrie textile – à Alleur déjà au même poste que celui qu’il occupera chez Mockel. Plus précisément, il gère les ressources humaines, la comptabilité, les achats, le marketing et les contacts extérieurs (Agoria, Skywin, MecaTech…), avec « une grande priorité : l’évolution du personnel. » Nous y reviendrons.

Passage de flambeau

Ce passage de flambeau s’effectuera très naturellement. Avant son départ, Annabelle Mockel avait créé une sorte de middle management pour l’épauler. Cinq personnes en faisaient partie, dont nos deux futurs co-CEO. Un membre a souhaité retourner dans son ancienne fonction, et un autre a quitté l’entreprise. Annabelle Mockel laisse alors de plus en plus de liberté aux deux rescapés pour la gestion de la société, et quand vient le moment de son départ, les noms d’Antoine Lecoq et Manuel Reuter s’imposent avec évidence.

« Déjà avant d’occuper nos fonctions actuelles, nous avions remarqué que nous nous complétions fort bien ; Manu est plus fonceur et je prends plus le temps d’analyser, de temporiser, rigole Antoine Lecoq. Avec la crise du Covid, lorsque nous avons dû être proactifs et prendre les mesures qui s’imposaient, nous avons eu la confirmation que nous fonctionnions très bien ensemble. De plus, nous disposons vraiment d’une équipe très compétente et très engagée. L’amélioration continue est dans l’ADN de Mockel : tout le monde vise à améliorer les processus, les machines… Les collègues sont demandeurs d’aller sur des foires, d’apprendre de nouvelles choses… On a vraiment de la chance d’être si bien entourés. »

Manuel Reuter abonde dans le même sens : « ce qui est vraiment important, c’est que nous sommes proches du terrain. On est en communication avec absolument tout le personnel dans la société, pas seulement les responsables. On essaie toujours de se mettre à leur place et de comprendre les difficultés qu’ils rencontrent. Stratégiquement, comme disait Antoine, nous avons des groupes de travail pour tous les chantiers en cours. Ces groupes de travail sont mixtes, des opérateurs machines jusqu’aux chefs de départements. Et lorsque nous devons prendre des décisions, dans la grande majorité des cas, celles-ci sont portées par tout le monde. C’est plus efficace à long terme. »

Comme dans un numéro bien réglé, Antoine Lecoq reprend la balle au bond : « Par exemple, le groupe ‘Eco factory’ en interne regroupe des personnes des bureaux, un membre de la direction et divers opérateurs. Nous y avons analysé notre consommation et empreinte énergétique, envisagé où nous pouvions faire des économies. L’initiative vient du personnel, ce qui facilite grandement les choses. Cette participation globale est très importante pour nous. D’autres groupes existent évidemment : le groupe Sécurité et le groupe Machines où on discute ensemble des investissements à réaliser. » Mockel incarne l’entreprise participative.

Cette implication de l’ensemble du personnel ne présente que des avantages... « Lors de réunions techniques chez nos clients, poursuit Manuel Reuter, nous sommes accompagnés du responsable cellule qui gérera la mise en route, tout comme le responsable projet et le responsable qualité. Le client comprend que ses interlocuteurs qui vont assurer le projet sont vraiment impliquées dans le processus. Inversement, si toute notre équipe comprend précisément la finalité, l’application de la pièce qu’ils vont réaliser, leur travail n’en sera que meilleur. Cette transparence est non seulement plus efficace, mais elle est très appréciée de nos clients. » Du pur win-win…

Clientèle essentiellement allemande

Mais justement, qui sont ces clients ? « Nous avons un portefeuille de clients assez stable, mais nous développons également pas mal de nouvelles collaborations. Essentiellement dans l’aéronautique, le spatial et la défense. Mais à côté de cela nous avons plusieurs clients venant de secteurs variés » détaille Antoine Lecoq. Assez naturellement, l’entreprise est tournée vers l’Allemagne, qui absorbe de 30 à 35% de l’activité. « Nous sommes à cinq kilomètres de l’Allemagne et la majorité du personnel est bilingue. C’est une plus-value fondamentale pour ce marché. De plus, nous avons la mentalité et la rigueur germaniques » sourit le pourtant originellement francophone Antoine Lecoq, mais de Waimes il est vrai, à la frontière avec la partie germanophone du pays. Le reste de la clientèle se trouve essentiellement en Belgique, avec un reliquat de quelques pourcents en France et au Luxembourg.

Pour ses clients belges – la FN depuis près d’un demi-siècle, Thales Alenia Space, Sabca… – Mockel profite pleinement de la proximité… « Nous sommes actifs dans les services, mais produisons de pièces de haute technologie. Nous voulons ouvrir de plus en plus de possibilités. Avant, nous fournissions surtout des séries de tailles moyennes, maintenant, on est également sur le prototypage car nos clients éprouvent des difficultés à trouver des partenaires pour cette étape. Il faut être très flexibles et proactif. Pour les clients belges, nous usinons une pièce, nous montons dans la voiture, nous lui proposons, nous avons un retour immédiat et nous continuons. C’est l’idéal… » explique Manuel Reuter.

Les deux co-CEO se rejoignent sur bien des aspects, et particulièrement sur la gestion du personnel. De nouveau, les compères jouent une partition à quatre mains… Antoine Lecoq la commence : « nous disposons d’un personnel techniquement très compétent et nous souhaitons lui offrir encore plus d’autonomie. Nous avons profité de la période du Covid pour travailler sur l’agilité de la société, pour redessiner nos processus. Les sociétés de notre secteur ont du mal à recruter, mais avant de recruter il faut savoir garder son personnel. Ces années Covid, durant lesquelles quelques collègues nous ont quittés suite au chômage corona, ont été difficiles, mais à présent les perspectives sont meilleures et les carnets de commande se remplissent. On peut recommencer à voir à plus long terme. »

Formation en interne

Manuel Reuter embraye : « nous essayons de former notre personnel en interne. Ca commence par des stagiaires de différentes écoles de la région. On prend énormément de stagiaires, on organise des visites d’écoles. Aujourd’hui les jeunes doivent choisir une formation, mais il faut leur faire comprendre que des possibilités de progression existent ; ce n’est pas parce qu’on commence dans l’usinage qu’on restera toute sa carrière dans le même domaine. Exemple : tous nos programmeurs sont d’anciens usineurs. Notre responsable qualité a également commencé en atelier. C’est une des grandes forces de Mockel : faire progresser les gens en leur offrant des possibilités d’évolution, en les poussant à prendre des responsabilités. C’est excellent pour la motivation. »

Retour chez Antoine Lecoq : « il y a quelques années, nous avions nous aussi des difficultés pour recruter du personnel. Nous avons réfléchi au problème et avons compris que la formation interne était primordiale. Et le meilleur moyen est de commencer tôt, quand les jeunes sont toujours à l’école. On investit beaucoup de temps et d’énergie dans ce processus. Nous avons deux responsables techniques dans les jurys de l’école technique d’Eupen. C’est une relation win-win : nous apportons nos compétences et notre image à l’école, et nous avons une vue sur les talents de demain. »

Et Manuel Reuter conclut : « je voudrais souligner l’importance de l’ambiance de travail. On le voit dans les processus de recrutement. Le nouvel engagé doit bien s’intégrer dans les équipes. Mockel compte quarante-huit personnes ; l’esprit d’équipe est primordial. Le problème est quand un jeune n’a connu que notre entreprise. A un moment, il se pose des questions et veut voir autre chose. Mais il est fréquent qu’il demande pour être réintégrer dans l’équipe » Pas de doute, Mockel est entre de bonnes mains…

Arnaud COLLETTE

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