Les invités du mois : Grégory Reichling et Fabien Defays, CEOs de Cilyx
Les invités de ce mois se fondent dans l’actualité. En effet, ne dites plus Citius, Ciseo ou Ira… dites Cilyx. Les trois entités historiques étant fusionnées juridiquement et regroupées sur un site unique, celui de Citius, dans le parc scientifique du Sart Tilman, sur les hauteurs de Liège, il était logique qu’elles évoluent sous un même nom… C’est chose faite dans un contexte particulièrement porteur : l’année 2022 s’est révélée un excellent cru.
Les invités du mois… Le pluriel n’est finalement que de forme tant nos deux invités semblent parler d’une seule voix, ce qu’ils revendiquent d’ailleurs, même si l’un se révèle moins volubile que l’autre… Le « nous » est d’ailleurs omniprésent, en regard de l’absence totale de « je ». Il est vrai que Grégory Reichling et Fabien Defays se connaissent depuis longtemps : comme le précise Grégory Reichling, « nous avons le même diplôme, celui d’ingénieur civil électromécanicien de l’Université de Liège, décroché en 2001. Par après, nous avons fait tous les deux un an et demi, deux ans de recherches. Fabien à l’ULiège, moi dans un centre de recherches près d’Aix-la-Chapelle. »
Le hasard les réunit rapidement, puisqu’ils se retrouvent chez Safran, dans la division « bancs d’essai ». « En 2009, nous quittons Safran pour créer Citius, une entreprise qui se positionnait sur le développement d’équipements de production pour l’industrie en général. Dans un premier temps, c’est le secteur ‘bio’ qui est développé… » ajoute Grégory Reichling.
« Nous avons également complété notre cursus par deux années aux HEC de Liège. Un diplôme de management en cours du soir qui donne quelques clés intéressantes pour la création et la gestion d’entreprise. Une formation bouclée pendant que nous étions chez Safran » précise Fabien Defays.
Retour sur 2009… « La première année a été consacrée à l’observation du marché, mais nous avons rapidement engagé des collaborateurs, dès 2010, reprend Grégory Reichling. Nous avions gardé de bons contacts avec Safran, qui était notre principal client, puis nous avons développé l’agroalimentaire avec AB-Inbev. Nous faisions beaucoup de gestions de projets à l’époque. Petit à petit, nous nous sommes développées non seulement en engageant du personnel mais également en reprenant des sociétés qui était à remettre ou à transmettre. On a ainsi repris en 2012 Engiconcept, spécialisée dans la consultance et la conception mécaniques, des compétences qui complétaient les nôtres. »
En 2014, les compères franchissent une nouvelle étape avec la reprise d’une structure active dans l’automation, KST. « Nous avions donc un atelier à notre disposition, avec des compétences, et nous avons commencé à intégrer et monter des machines nous-mêmes. Nous avons donc commencé à fournir des équipements à nos clients. »
En 2017 se présente une nouvelle opportunité : un « concurrent-confrère » de la région de Namur, Wow Technology, fait faillite. « Nous avons décidé de relancer le projet, explique Grégory Reichling. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec deux entités, une à Liège, l’autre à Namur. On a scindé les marchés pour éviter la concurrence interne. Namur s’est positionné sur le secteur des sciences du vivant : pharma, biotech, medtech… Tandis que Citius à Liège restait dédié à l’aéronautique et le spatial, mais aussi l’automobile et l’agroalimentaire. » Naturellement, les deux entités développent d’importantes synergies.
Regroupement à Liège
Après quelques années, en 2021, les CEOs décident de rapatrier le personnel de Namur à Liège pour créer une véritable équipe, tout en gardant les deux business units, pharma et industrie, mais au sein d’un même groupe. Le processus vient de s’achever avec la fusion des entités juridiques. Une trentaine de personnes travaillaient à Namur ; une grosse quarantaine à Liège. Avec le regroupement et les engagements qui ont continué, Cilyx compte aujourd’hui environ quatre-vingt-cinq employés, pour un chiffre d’affaires avoisinant les 12,5 millions d’euros en 2022. Safran représente un tiers du chiffre d’affaires de l’aérospatial, qui lui-même représente une quinzaine de pourcents du CA global… « Nous sommes très diversifiés et aucun client ne dépasse vraiment les dix pourcents » explique le CEO. Quant au capital de Cilyx, il reste aux mains des deux fondateurs à hauteur de 80%, le reliquat appartenant à deux acteurs publics : Noshaq (10%) et Wallonie Entreprendre (ex-SRIW, 10%).
Pour compléter le tableau, Citius avait, pour racheter Wow Technology, créé une petite structure, Ciseo, qui vient donc de fusionner avec Citius. Entretemps, Citius avait également racheté une petite société nommée IRA, spécialisée dans le secteur des bols vibrants.
L’histoire de Cilyx s’écrit donc à travers une série d’achats de société… « Nous avons effectivement grandi notamment par acquisitions, mais c’est plutôt l’occasion qui fait le larron. Pour plusieurs raisons. D’abord nous ne voulions pas rater de belles opportunités de rachat. Notre secteur ne compte pas énormément d’acteurs ; l’industrie en Wallonie se développe mais en restant assez stable en termes de clientèle. Et comme nous nous positionnons sur des équipements stratégiques de production, nous restons dans la place quand le client est satisfait. Quand tu lances ta boîte, soit tu casses les prix, soit tu amènes une solution de rupture, ce qui est difficile sur le sur-mesure que nous pratiquons… La meilleure solution est donc de reprendre des entreprises compétentes qui ont déjà leurs clients. Quand le projet est crédible, le client continue à travailler avec toi » détaille Grégory Reichling.
Petit à petit, les deux ingénieurs emmènent leur société vers le sommet : « nous sommes les plus importants en Wallonie dans notre domaine. Mais surtout nous avons atteint la taille nécessaire pour développer des projets d’une certaine importance. Tout en stabilisant l’acquis. »
Le sommet en Wallonie, mais quid de l’étranger ? Cilyx compte deux tiers de ses clients en Belgique – Safran, Sabca, Thales, un petit peu la Sonaca – et un tiers à l’étranger, en France, Allemagne, Italie. Parfois aux Etats-Unis ou en Asie, mais c’est plus rare. « En aérospatial, à l’étranger, nous sommes présents à travers nos clients wallons. Nous ne prospectons pas vraiment à l’international. C’est prévu, mais pas planifié (sourires). Nous nous développons très bien en Wallonie et ne sommes pas pressés de prospecter à l’étranger pour le moment. En revanche, nous sommes plus présents à l’international avec le pharma et les biotechs. La raison est simple : en biotech, nous proposons des formules ‘standard’ qui sont plus faciles à déployer. Pour l’aéronautique, nous composons du sur mesure et la proximité avec les clients est fondamentale, ce qui rend le développement à l’étranger plus compliqué » explique Grégory Reichling.
Et l’avenir ?
Dans l’immédiat, l’entreprise veut consolider ses acquis, de sorte que les équipes travaillent bien ensemble, puis continuer à développer des partenariats avec ses clients-clés… « Nous visons surtout les grands groupes, car nous profitons du réseautage à l’intérieur de ces groupes pour nous développer sur différents sites. Surtout sur le pharma où nous proposons des solutions de niche que nous pouvons répliquer facilement. Par exemple, nous travaillons pour un gros acteur pharma non seulement en Wallonie, mais aussi en Allemagne, en Italie, en France et au Canada. Neuf projet sur dix, nous travaillons pour l’utilisateur final, avec une visibilité totale. Pour certains clients, nous développons des parties de machines ou de bancs d’essai mais c’est le client qui reste le maître d’œuvre interlocuteur du maître d’ouvrage, que ce soit une compagnie aérienne, une armée ou une société de maintenance aéronautique » reprend Grégory Reichling.
Fabien Defays ajoute que Cilyx développe un autre projet dans l’aéronautique… « Nous développons dans le cadre d’un projet de recherches des solutions dans le contrôle non destructif, en partenariat avec Pierre Servais (de MPP, voir newsletter de décembre 2022, ndlr) et d’autres acteurs pour développer une solution de contrôle non destructif. Nous avons donc dans l’aéronautique tout ce qui est bancs d’essais – Safran, Sabca, TAS – et le second volet réside dans des lignes de production robotisée avec une contrôle non destructif. Safran est partenaire de ce projet, qui se termine en 2023. Un potentiel existe. Nos partenaires ont leurs propres instruments de contrôle et l’idée est de combiner différentes technologies pour arriver à un système robotisé qui intègre ces technologies et qui permette de déceler plus de défauts dans les structures. » Le but étant de dupliquer ces solutions pour plusieurs acteurs du secteur.
Arnaud COLLETTE