Le portrait du mois : Philippe Dedecker, de Feronyl

Grand voyageur et amoureux des belles carrosseries, Philippe Dedecker n’est, à 68 ans, toujours pas prêt à se reposer. Son vrai hobby, c’est le travail. S’il a remis Feronyl à ses neveux et nièce, il en demeure le CEO. Et se dégage du temps pour s’impliquer dans l’EWA et Skywin.

 

 

 

 

 

 

 

 

1950 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de Philippe Dedecker. Tout d’abord, c’est l’année de sa naissance. Mais c’est aussi l’année de la création de Feronyl par son père aidé de son grand-père puis ensuite avec son oncle, à Mouscron.

 

L’homme va donc sur ses 69 printemps. Sans flagornerie, on lui en donne dix de moins, physiquement d’abord, et tant il dégage d’énergie. Il confirme rester très actif, parce qu’il aime ça, et qu’on le lui demande. Ce « on », c’est le personnel de Feronyl, qui se demandait à quelle sauce il pourrait être mangé en cas de vente de la société par son patron. Il peut être rassuré. Comme toujours, une solution a été trouvée dans la famille…

 

Feronyl

 

Des rétroactes s’imposent. Le père de Philippe Dedecker crée donc Feronyl en 1950, avec son père et son frère. La région est éminemment tournée vers l’industrie textile. Les entreprises, avec leurs métiers à tisser, faisaient énormément de bruit. « Mon père a eu la géniale idée de changer un engrenage en métal sur deux et le remplacer par un engrenage en nylon. Il a créé sa première machine pour cet engrenage. On retrouve cette histoire dans notre logo : le fer et le ‘nyl’ de nylon se rejoignent autour d’un O au centre d’un engrenage. » Un logo qui ne changera pas au fil des décennies.

 

Puis Feronyl a commencé à faire des moules pour des pièces en plastique. Les moules étaient plutôt coulés qu’usinés, comme maintenant. La société produit ces pièces en nylon principalement, mais également des machines à injecter, inexistantes sur le marché. « Il a fallu faire un choix. En effet, nous vendions nos machines à nos futurs concurrents. De plus, les Allemands ont commencé à produire d’excellentes machines avec d’autres moyens que les nôtres. Nous avons pourtant vendu des machines en Inde, en Espagne… » Fin des années 50, la production de machines est vendue.

 

Le père de Philippe Dedecker rachète les parts de son frère une petite vingtaine d’années plus tard. A ce moment, celui-ci termine des humanités économiques et hésite entre le métier d’avocat ou encore de dentisterie comme son grand-père maternel. Mais son père l’encourage à rejoindre l’entreprise familiale, qui se porte bien et a besoin de lui. Il lui laisse le choix. Il souhaite la partie commerciale. Et se forme : « J’ai fait des études à la fois universitaires en élève libre et techniques dans les laboratoires et centres d’essai des fournisseurs de matières plastiques pour apprendre le métier. J’ai donc étudié l’économie en élève dans les pays voisins. Ce qui m’a permis d’apprendre trois langues, c’est à dire les langues de nos clients. Et comme nous passions nos vacances en Espagne, j’ai appris l’espagnol en plus. J’étais paré pour entrer dans la société dans le service commercial ». Mais il reprend quand même des études de management au Cepi à Lille pendant trois ans.

 

Philippe Dedecker rejoint donc Feronyl, ou son père le laisse assez libre dans sa fonction commerciale. « J’apportais une autre vision des affaires et du marché. J’ai alors dirigé Feronyl vers l’aéronautique. Mon père était pilote mais ne s’intéressait pas techniquement aux avions. J’ai débarqué au salon du Bourget avec des montagnes de catalogue. En 1980, j’ai décroché un contrat pour une première pièce chez Airbus : les accoudoirs pilote et co-pilote. D’autres pièces ont suivi, toujours autour des sièges pilotes et co-pilote. » L’aéronautique grandira petit à petit dans le chiffre d’affaires de la société pour atteindre aujourd’hui quelque 35%. Mais Philippe Dedecker précise que Feronyl a toujours tenu à garder une certaine diversification de ses produits. Et ce dans divers domaines : électrique, mécanique, alimentaire… Un secteur qui s’impose aussi : la filtration, tant pour les liquides  que pour l’air. Une spécialité qui atteint 35 autres pourcents du chiffre d’affaires. Pourquoi la filtration ? « En 1980, quand j’ai cherché à diversifier la société, j’ai regardé vers quoi le monde s’orientait. C’était le début de l’écologie. Et qui dit écologie dit filtration. » CQFD.

 

Particularité de Feronyl : elle est demeurée au fil du temps une entreprise entièrement familiale. « Nous sommes une famille d’entrepreneurs. Nous étions trois enfants, j’ai une sœur et un frère. Pour éviter tout risque de dispute familiale, mon père a décrété que je m’occuperais de Feronyl. Il a repris une autre société pour mon frère dans la mécanique. Et encore une autre pour ma sœur, dans la mécanique et la fabrication d’outillages. Comme ça nous n’allions pas nous bouffer le nez… Mais comme l’entente familiale est vraiment excellente, nous avons rapidement senti le besoin de collaborer. On est toujours plus fort à plusieurs que tout seul. Ce qui nous a permis, face à de grands donneurs d’ordre, de nous présenter un peu comme un cluster. Nous nous appuyons les uns sur les autres. » En 2002 naît Sub-Alliance, qui regroupe, outre Feronyl, Dedecker Precision Mechanics, du frère ; Tecnolon Works, de la sœur ; et Grimonprez Transmission Gears des enfants du frère. La quatrième génération est donc en marche… D’ailleurs, Feronyl appartient dorénavant aux neveux et nièce de Philippe Dedecker, qui en demeure toutefois le CEO. Au sein de Sub-Alliance, qui a été officialisé en GIE (Groupe d’intérêt économique) l’an dernier, toutes les entreprises sont à 100% familiales.

 

Cet aspect familial est une importante caractéristique de Feronyl. Philippe Dedecker explique que « beaucoup de grands donneurs d’ordres veulent des prix chinois avec la qualité européenne. Donc beaucoup d’Européens sont partis produire en Chine. Moi j’ai toujours voulu que les personnes qui s’investissaient chez nous, aussi bien les employés que les ouvriers, soient valorisés. Et j’ai toujours voulu que leurs enfants trouvent un boulot chez nous. Donc j’ai cherché des créneaux qui ne nécessitaient pas d’aller en Chine pour la production. Il faut en fait trouver des pièces à très haute valeur ajoutée. Et nous nous sommes toujours concentrés sur les petites et moyennes séries. »   

 

Le mot de la fin sur l’EWA, dont Philippe Dedecker devient le vice-président, et Skywin. « Nous sommes  membre de l’EWA depuis très longtemps. J’ai toujours trouvé intéressant l’idée de s’unir pour être plus fort, comme pour la famille. Regrouper les acteurs de l’aéronautique wallonne était une excellente démarche. J’ai vraiment envie de m’impliquer. Je veux vendre l’EWA notamment dans le public. Que non seulement les Wallons mais le pays entier connaissent mieux l’importance du secteur aéronautique en Wallonie. Quant à Skywin, l’arrivée de Jacques Smal à la présidence est une excellente nouvelle : il connaît très bien le secteur et dispose d’un excellent carnet d’adresses… » De bon augure…  

 

Arnaud COLLETTE

 

 

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